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L’anxiété de performance dans l’autisme : quand la valeur se mesure à la survie sociale

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    Florence
  • il y a 5 heures
  • 4 min de lecture

1. De quoi parle-t-on vraiment ?



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L’anxiété de performance, c’est la peur constante de ne jamais être assez : assez rapide, assez clair, assez compétent, assez « comme il faut ». Chez les personnes autistes, ce n’est pas seulement une question d’estime de soi : c’est un mécanisme d’adaptation neurologique né d’une vie entière passée à compenser.


Chaque tâche devient une épreuve évaluée : parler, écrire un mail, participer à une réunion, gérer un imprévu.Ce n’est pas un besoin de validation, mais la peur, apprise et répétée, que la moindre erreur entraîne une sanction sociale.


2. Les racines neurobiologiques

Comme toujours dans le TSA, avant d'être un trait psychologique, ou un aspect de votre personnalité, ce rapport à la performance est en premier lieu neurologique. L’anxiété de performance s’ancre dans le système limbique et la régulation du stress :


  • L’amygdale, plus réactive dans le TSA, détecte le jugement social comme une menace réelle (Kliemann et al., 2012).

  • Le cortex préfrontal, chargé d’inhiber cette peur, est souvent débordé en situation d’évaluation (Uddin et al., 2017).

  • Le circuit dopamine-cortisol s’active en continu, maintenant un état d’hypervigilance et d’anticipation du danger.


Cette boucle neurobiologique crée un mode de survie intellectuelle : le cerveau anticipe la critique avant même qu’elle n’existe, et même si elle n'existe jamais. Le passage à l'action, à la tâche, quelle qu'elle soit, active un système de peur biologique d'un jugement perçu possible.


Résultat : perfectionnisme extrême, rumination, auto-surveillance, incapacité à se détendre une fois la tâche terminée.


3. Le poids du système et de la norme sociale


L’anxiété de performance n’est pas seulement un phénomène individuel : elle est alimentée par le contexte social et institutionnel. Depuis l’enfance, les personnes autistes sont évaluées sur leur capacité à imiter le fonctionnement neurotypique :

  • “Regarde-moi dans les yeux.”

  • “Fais un effort pour participer.”

  • “Tu devrais parler plus fort / moins fort / différemment.”


Ces injonctions façonnent une identité conditionnelle : « je mérite d’être accepté.e seulement si je performe correctement ».


Les études montrent que plus une personne autiste camoufle ses traits, plus son niveau d’anxiété augmente (Cage et al., 2018). Ce camouflage est coûteux : il mobilise les circuits exécutifs, épuise la dopamine et entretient un stress chronique.D’où la fréquence du burn-out autistique (Raymaker et al., 2020), qui est souvent le point de rupture de cette hyper-performance.


4. Ce que disent les chiffres


  • 70 à 80 % des adultes autistes présentent un trouble anxieux (Lever & Geurts, 2016).

  • 64 % rapportent une anxiété directement liée à la peur de décevoir ou d’échouer (Hirvikoski et al., 2019).

  • 55 % décrivent des symptômes de perfectionnisme jugé par les auteurs comme "pathologique", souvent associés à un camouflage social élevé (Livingston et al., 2020).

  • L’anxiété de performance est deux fois plus fréquente chez les personnes autistes que chez les personnes neurotypiques (Maddox & White, 2015).


5. Quand la performance devient identitaire



Dans une société où la valeur est confondue avec la productivité, l’autiste "performant" devient un modèle paradoxal : on le félicite pour sa rigueur, son endurance, son perfectionnisme… sans voir que ces qualités sont souvent le symptôme d’un système de défense. On crée artificiellement une image de l'autisme, fantasmée, "super-pouvoirisée", qui déjà n'existe pas, est invalidante envers les difficultés, mais en plus culpabilisent ceux qui ne s'identifient pas à cette image imaginaire.


Il faut tuer ces fantasmes de sur performance dans le spectre et hors du spectre. Arrêter de véhiculer des notions fausses de ce qu'une personne peut humainement accomplir, et cesser les présentations binaires de l'autisme : ce n'est pas QUE un super pouvoir, ni QUE des déficits. Etre autiste, c'est être une personne avec ses forces et ses difficultés. Seulement ces forces et difficultés imposent des aménagements et ne doivent pas être soumises à une suradaptation couteuse.


Cette suradaptation finit par détruire le lien entre identité et action :

« Si je ne performe pas, je disparais. »C’est la forme la plus silencieuse de l’anxiété de performance : celle où l’on ne cherche plus à être bien, mais juste à ne pas décevoir ou mal faire.

6. Et maintenant ?


Replacer la performance à sa juste place


  • Une tâche ratée ne définit pas la valeur d’une personne. Tout le monde rate. Tout le temps. Aucun humain n'a jamais vécu 100 ans sur cette Terre en faisant tout, tout le temps, exactement comme il faut.

  • Ce que vous appelez “échec” est souvent une réaction physiologique d’épuisement. Vous accomplissez bien plus et bien mieux que vous ne vous autorisez à le percevoir.

  • Le repos, la lenteur et la prévisibilité ne sont pas des faiblesses, mais des besoins neurologiques.


Changer le cadre plutôt que la personne


  • Les environnements (écoles, entreprises, familles) doivent cesser d’évaluer les personnes autistes sur leur "conformité" et commencer à mesurer leur efforts selon des modes de fonctionnement divers. Les évaluations doivent impérativement tenir compte des diversités humaines, et cesser les injonctions normatives.

  • Créer des conditions prévisibles, explicites, cohérentes et non menaçantes est une mesure d’accessibilité, pas un privilège.


7. En conclusion


L’anxiété de performance dans l’autisme n’est pas un “trouble de la confiance en soi”. C’est la somme de trois forces :


  1. un système nerveux hyper-réactif au jugement,

  2. un monde social bâti sur l’évaluation permanente,

  3. et une histoire d’adaptation forcée à la norme.


Apprendre à s’en détacher, c’est reprendre le contrôle de son énergie et restaurer une forme de paix cognitive. Et si la vraie performance, finalement, c’était d’exister sans avoir à prouver qu’on le mérite ?


Références

  • Cage, E., et al. (2018). Understanding the reasons, contexts and consequences of camouflaging in autism. Autism in Adulthood.

  • Dalton, K. M., et al. (2005). Gaze fixation and the neural circuitry of face processing in autism. Nature Neuroscience.

  • Hirvikoski, T., et al. (2019). Factors associated with anxiety in autistic adults. Journal of Autism and Developmental Disorders.

  • Kliemann, D., et al. (2012). Social gaze processing in autism spectrum disorders: Neural differences in amygdala and temporal cortex. Brain.

  • Lever, A. G., & Geurts, H. M. (2016). Psychiatric co-occurring symptoms and disorders in adults with autism. CNS Spectrums.

  • Livingston, L. A., et al. (2020). The mental health costs of camouflaging and perfectionism in autism. Autism Research.

  • Maddox, B. B., & White, S. W. (2015). Comorbid social anxiety disorder in adults with autism spectrum disorder. Journal of Autism and Developmental Disorders.

  • Raymaker, D. M., et al. (2020). Having all of your internal resources exhausted beyond measure and being left with no clean-up crew: Defining autistic burnout. Autism in Adulthood.

  • Uddin, L. Q., et al. (2017). Reconciling the amygdala’s role in autism. Trends in Neurosciences.

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