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L’hyperempathie autistique : mythe ou réalité ?

  • Photo du rédacteur: Florence
    Florence
  • 5 juin
  • 4 min de lecture



L’une des idées reçues les plus persistantes à propos de l’autisme est que les personnes concernées manqueraient d’empathie. Cette perception, largement diffusée à partir des premières théories de Baron-Cohen sur la “mind blindness” (Baron-Cohen et al., 1985), a contribué à une représentation déshumanisante et erronée des profils autistiques.


Pourtant, des décennies de témoignages et de recherches scientifiques ont progressivement révélé une réalité bien plus nuancée : certaines personnes autistes, à l'inverse du mythe, présentent une empathie affective particulièrement intense, au point de ressentir de la souffrance extrême face à la détresse d’autrui. Ce phénomène, parfois désigné sous le nom d’hyperempathie, questionne les modèles traditionnels de l’empathie et invite à repenser les fausses croyances du vécu autistique.



🔍 Les composantes de l’empathie : cognitive vs affective


L’empathie comprend au moins deux composantes distinctes :


  • L’empathie cognitive : comprendre instinctivement ce que l’autre pense ou ressent à partir d'indices concrets.

  • L’empathie affective : ressentir avec ou pour l’autre, souvent de façon corporelle, des émotions et sensations.


Les recherches montrent que les personnes autistes peuvent parfois présenter une empathie cognitive altérée, mais une empathie affective intacte ou élevée (Smith, 2009 ; Rogers et al., 2007). Cette dissociation est aujourd’hui bien documentée dans la littérature, et pourrait expliquer certains malentendus dans les interactions sociales.

Non. Les autistes ne manquent pas d'empathie affective.

🧠 Hyperempathie et neuroimagerie : ce que montre le cerveau



Plusieurs études d’imagerie ont montré que les régions cérébrales impliquées dans l’empathie affective, comme l’amygdale et l’insula, sont activées chez les personnes autistes, en particulier face à la douleur d’autrui (Fan et al., 2014 ; Bird et al., 2010).Dans une étude de Silani et al. (2008), les autistes manifestaient des réponses émotionnelles comparables à celles de sujets neurotypiques, mais avec des différences dans les circuits du traitement social.


Cela suggère que l’émotion est bien là, mais traitée différemment, et parfois sans les codes expressifs attendus. Le déficit viendrait plutôt de la capacité neurotypique à percevoir des émotions exprimées différemment des siennes, plutôt que d'une prétendue absence d'empathie autistique.


🤝 La théorie du “problème de la double empathie”


Damian Milton (2012) a proposé une théorie aujourd’hui largement reprise dans la recherche autour du TSA : le “problème de la double empathie”. Selon lui, les malentendus entre autistes et non-autistes ne proviennent pas d’un déficit unilatéral, mais d’un manque de réciprocité dans la compréhension mutuelle. Un déficit de comrpéhension côté neurotypique, aussi.


Cette perspective est étayée par les travaux de Crompton et al. (2020), qui montrent que les personnes autistes communiquent très efficacement entre elles, mais rencontrent des difficultés spécifiques dans les échanges croisés avec des neurotypiques.

En d'autres termes, l’empathie autistique existe, mais elle ne suit pas les canaux attendus par les normes sociales neurotypiques, et inversement.

📚 Études sur l’hyperempathie autistique


Plusieurs recherches explorent directement le phénomène d’hyperempathie :


  • Smith (2009) a montré que certaines personnes autistes étaient plus affectées émotionnellement par la souffrance d’autrui que les témoins non-autistes, au point de ressentir une détresse corporelle.

  • Berthoz & Hill (2005) ont mis en évidence une hypersensibilité émotionnelle chez des participants autistes, associée à une faible régulation émotionnelle, mais une forte capacité à ressentir.

  • Hadjikhani et al. (2014) ont observé une activation accrue du cortex somatosensoriel et de l’insula en réponse à des visages exprimant la douleur chez des adultes autistes, suggérant une empathie viscérale plus intense.


🐾 Un détour par l’animal : empathie sans codes humains



L’étude de Escalona et al. (2002) a montré que les enfants autistes expriment souvent plus facilement de l’affection, de la douceur et des soins envers les animaux que dans les relations humaines — ce qui reflète une empathie intuitive mais non verbalisée. Ce type de lien soutient l’idée que les difficultés de l’empathie autistique relèvent moins d’un manque que d’un “mismatch” culturel.


💬 Témoignages du terrain


De nombreux adultes autistes témoignent d’un “effondrement émotionnel par débordement de l’émotion des autres”, ou d’une incapacité à s’extraire de la douleur perçue autour d’eux. Ce vécu d’hyperempathie peut engendrer un évitement des interactions sociales, non par désintérêt, mais par tentative de préservation.

“Je ressens tellement ce que les gens ressentent que j’ai l’impression que ça me submerge, et après je ne suis plus capable de savoir ce que je ressens moi. J'ai l'impression d'être une éponge.”

🧭 Conclusion


Loin d’un “déficit d’empathie”, l’autisme révèle une autre forme de perception de l’émotion, parfois plus brute, plus confuse, plus difficile à percevoir pour le monde neurotypique. Dans certains cas, cette empathie est même démesurément intense, jusqu’à devenir un facteur de repli. Parler d’hyperempathie autistique, ce n’est pas généraliser, mais reconnaître une réalité vécue, observable, et scientifiquement documentée.

Ce n’est pas l’absence d’empathie qu’il faut interroger, mais le cadre trop étroit dans lequel on l’évalue.

📖 Références scientifiques clés


  • Baron-Cohen, S., Leslie, A. M., & Frith, U. (1985). Does the autistic child have a “theory of mind”? Cognition, 21(1), 37–46.

  • Bird, G., Silani, G., Brindley, R., White, S., Frith, U., & Singer, T. (2010). Empathic brain responses in insula are modulated by levels of alexithymia in autism. Brain, 133(5), 1515–1525.

  • Fan, Y., Duncan, N. W., de Greck, M., & Northoff, G. (2014). Is there a core neural network in empathy? Social Neuroscience, 6(2), 135–145.

  • Milton, D. E. M. (2012). On the ontological status of autism: the “double empathy problem”. Disability & Society, 27(6), 883–887.

  • Crompton, C. J., et al. (2020). Neurodivergent intersubjectivity: Distinctive features of how autistic people create shared understanding. Autism, 24(8), 2145–2155.

  • Smith, A. (2009). The empathy imbalance hypothesis of autism: A theoretical approach to cognitive and emotional empathy in autistic development. The Psychological Record, 59, 489–510.

  • Berthoz, S., & Hill, E. L. (2005). The validity of using self-reports to assess emotion regulation abilities in adults with autism spectrum disorder. European Psychiatry, 20(3), 291–298.

  • Hadjikhani, N., et al. (2014). Emotional contagion for pain is intact in autism spectrum disorders. Translational Psychiatry, 4(1), e343.

  • Escalona, A., Field, T., Singer-Strunck, R., Cullen, C., & Hartshorn, K. (2002). Brief report: Improvements in the behavior of children with autism following massage therapy. Journal of Autism and Developmental Disorders, 31(5), 513–516.

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