Microbiote et TSA : un duo à mieux comprendre
- Florence
- 19 juin
- 3 min de lecture
Chez de nombreuses personnes autistes, les troubles digestifs sont une réalité quotidienne. Douleurs, ballonnements, constipation, diarrhées alternantes : autant de symptômes parfois minimisés… alors qu’ils pourraient bien être au cœur du fonctionnement neurobiologique. De plus en plus d’études pointent un lien fort entre microbiote intestinal déséquilibré (dysbiose) et troubles du spectre de l’autisme (TSA).
Et si, derrière ces maux de ventre, se cachaient des mécanismes cérébraux encore méconnus ?
Le microbiote : un organe à part entière
Le microbiote intestinal est composé de milliards de micro-organismes — bactéries, virus, champignons — qui interagissent avec le système immunitaire, métabolique et nerveux.
Chez les personnes autistes, plusieurs études ont montré une altération quantitative et qualitative de ce microbiote :
Moins de bactéries bénéfiques comme Bifidobacterium ou Lactobacillus
Plus de souches pro-inflammatoires comme Clostridium ou Desulfovibrio
Une diversité microbienne réduite (Kang et al., 2013 ; Finegold et al., 2010)
Cette composition anormale est souvent corrélée à une perméabilité intestinale accrue (« leaky gut »), qui laisse passer des molécules inflammatoires vers le cerveau.
Le lien cerveau–intestin : l’axe entérique
Le système nerveux entérique (SNE), souvent surnommé « deuxième cerveau », comprend plus de 500 millions de neurones logés dans les parois intestinales. Il dialogue en permanence avec le système nerveux central par l’intermédiaire du nerf vague, modulant la réponse au stress, à la douleur, à l’alimentation.
Dans le TSA, cet axe est souvent déséquilibré :
La communication intestin-cerveau est altérée
Les réactions au stress digestif sont exacerbées
Les troubles du transit sont fréquents, même sans pathologie digestive identifiée
Sérotonine et TSA : quand l’intestin influence l’humeur
Ce que l’on sait moins : 90 à 95 % de la sérotonine de l’organisme est produite dans l’intestin (Gershon, 1999). Cette molécule, souvent associée à la régulation de l’humeur, est également cruciale pour le transit intestinal, le sommeil et l’hypersensibilité sensorielle.
Des études montrent que chez les personnes autistes :
Le taux de sérotonine périphérique est souvent plus élevé que la moyenne (Chugani et al., 1999)
Mais paradoxalement, la régulation centrale de cette sérotonine est moins efficace, ce qui pourrait expliquer des troubles de l’humeur, du sommeil, ou de la régulation sensorielle
Autrement dit : un intestin déséquilibré peut altérer l'équilibre émotionnel et neurologique via la sérotonine.
La dysbiose, un cercle vicieux
Un déséquilibre du microbiote peut :
Aggraver l’inflammation intestinale
Favoriser l’hypersensibilité sensorielle
Accroître la perméabilité de la barrière intestinale
Modifier la production de neuromédiateurs
Altérer la réponse au stress
Et ces effets peuvent accentuer les symptômes du TSA, rendant les crises plus fréquentes, un mal être plus marqués, et la régulation sensorielle plus difficile.
Et concrètement ?
Plusieurs pistes sont actuellement explorées :
Probiotiques ciblés (Kang et al., 2017 ; Sanctuary et al., 2019)
Transplantation de microbiote fécal (FMT), encore expérimentale mais prometteuse
Régimes personnalisés, comme le régime pauvre en FODMAP ou sans gluten/caséine (Piwowarczyk et al., 2020)
Prébiotiques favorisant certaines souches bénéfiques
Ces approches doivent être encadrées médicalement, car le microbiote est complexe et ses effets sont systémiques. Donc consultez vos docteurs avant d'entamer la moindre approche sur ce sujet.
En bref
Le microbiote intestinal joue un rôle crucial dans le TSA
La dysbiose peut aggraver les symptômes neurologiques et émotionnels
Le SNE, via la sérotonine et le nerf vague, relie intestin et cerveau
Agir sur l’intestin, c’est parfois apaiser l’ensemble du système
📚 Bibliographie indicative
Kang, D.-W. et al. (2013). Microbiota Transfer Therapy alters gut ecosystem and improves gastrointestinal and autism symptoms: an open-label study. Microbiome.
Finegold, S. M. et al. (2010). Pyrosequencing study of fecal microflora of autistic and control children. Anaerobe.
Gershon, M. D. (1999). The Second Brain. Harper Perennial.
Chugani, D. C. et al. (1999). Serotonin synthesis capacity in autistic and nonautistic children. Annals of Neurology.
Schaaf, R. C. et al. (2011). Occupational therapy and sensory integration for children with autism. Autism.
Piwowarczyk, A. et al. (2020). Dietary interventions in autism spectrum disorders: A critical review. Nutrients.
Sanctuary, M. R. et al. (2019). Probiotic and gut microbiome modulation in ASD: Focus on inflammation and immunity. Seminars in Pediatric Neurology.
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