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Autisme chez les femmes : pourquoi est-il souvent sous-diagnostiqué ?

  • Photo du rédacteur: Florence
    Florence
  • 6 juin
  • 4 min de lecture

Chez les femmes, le diagnostic d’autisme arrive souvent tard — parfois à 30, 40, voire 50 ans. Pourtant, les "symptômes" étaient bien présents dès l’enfance. Ce retard ne reflète pas forcément un « autisme féminin » différent, mais plutôt une société qui regarde différemment les comportements des filles et des femmes. Cette différence de regard — genrée, normative, souvent inconsciente — contribue puissamment à l’effacement du profil autistique chez les femmes.


Nous vous proposons ici trois axes majeurs pour comprendre ce phénomène : le camouflage social, la pression de conformité genrée dès l’enfance, et les biais sexistes dans le monde médical.


1. Le camouflage social : un mécanisme coûteux mais invisible


De nombreuses femmes autistes développent très tôt des stratégies de camouflage social — observer, imiter, copier les comportements attendus. Ce n’est pas de la spontanéité sociale, c’est de la performance constante.


Littéralement, elles apprennent à « jouer » la sociabilité. Elles préparent leurs phrases à l’avance, se forcent à soutenir un regard, à sourire au bon moment. Cela peut donner l’illusion d’une socialisation fluide innée… mais le coût cognitif et émotionnel est immense.


Une étude menée par Lai et al. (2017) montre que les femmes autistes ont des scores de camouflage significativement plus élevés que les hommes, ce qui contribue directement au retard de diagnostic (Lai et al., Nature Communications, 2017).

Pire encore, plus le camouflage est efficace, plus l’entourage et les professionnels sont déconcertés lorsqu’un trouble est évoqué : "Mais elle n’a aucun problème pour parler", "elle a des amis". Pourtant, derrière la façade, il y a souvent de l’épuisement, de l’anxiété chronique, voire un effondrement complet quand les stratégies deviennent intenables.


2. La pression de conformité dès l’enfance : un facteur invisible mais genré


Dans les années 90 et 2000, les petites filles étaient encore très fortement encouragées à se conformer, plaire, ne pas déranger. Les comportements stéréotypés « adaptés » (comme jouer calmement, sourire, écouter) ont souvent masqué les signes d’un fonctionnement atypique.

Dès l’école primaire, les filles reçoivent 2 à 3 fois plus de retours comportementaux positifs lorsqu’elles sont calmes, attentives et effacées, tandis que les garçons sont plus souvent excusés pour des comportements impulsifs ou agités (Baillargeon et al., 2011 ; Developmental Psychology).

Une petite fille autiste qui évite les jeux de groupe, reste dans son monde, ou s’absorbe dans une passion n’est pas perçue comme « différente » : elle est perçue comme sage. On applaudit sa maturité, son autonomie… alors qu’il s’agit souvent de solitude et de retrait social.


3. La misogynie médicale : un retard structurel dans la reconnaissance


Le corps médical peine encore à reconnaître les souffrances féminines. Et ce biais sexiste impacte profondément la santé mentale, mais pas que...


En cardiologie, les femmes attendent en moyenne 15 à 30 minutes de plus que les hommes pour une prise en charge en urgence en cas de douleurs thoraciques (Canto et al., New England Journal of Medicine, 2000 ; Safdar et al., Academic Emergency Medicine, 2014).

Si même une urgence vitale est prise moins au sérieux chez les femmes, comment s’étonner qu’un trouble neurodéveloppemental, plus diffus, soit ignoré ?


Le regard médical est formé par des critères élaborés à partir de profils masculins. Historiquement, les premières études cliniques sur l’autisme ont été menées exclusivement sur des garçons (Kanner, 1943 ; Asperger, 1944). Le tableau type est donc biaisé dès sa conception.


Résultat : une femme autiste peut passer des années en errance médicale, avec des diagnostics erronés (dépression, anxiété, trouble borderline), sans que personne ne pense à l’autisme.


Ce n’est pas l’autisme féminin qui est différent. C’est le regard qu’on porte sur les femmes.


Les femmes autistes ne sont pas « atypiques » parmi les autistes. Elles sont simplement perçues à travers un filtre social : celui des attentes genrées.


On les attend sages, empathiques, silencieuses, flexibles. Alors, lorsqu’elles se retirent, observent, s’isolent, cela passe inaperçu. Lorsqu’elles masquent, cela est applaudi. Lorsqu’elles s’effondrent, cela est pathologisé… mais rarement pensé comme autistique.


Il est urgent de revoir notre grille de lecture — et de cesser de chercher un mystérieux phénotype d'« autisme féminin » caché. Il ne l’est pas. Il est invisible par conditionnement social, par misogynie systémique, pas par nature neurologique.


📚 Bibliographie indicative


  • Lai, M.-C., Lombardo, M. V., Ruigrok, A. N. V. et al. (2017). Quantifying and exploring camouflaging in men and women with autism. Nature Communications.

  • Hull, L. et al. (2020). Development and validation of the Camouflaging Autistic Traits Questionnaire (CAT-Q). Journal of Autism and Developmental Disorders.

  • Baillargeon, R. et al. (2011). Differential expectations based on gender in early childhood classrooms. Developmental Psychology.

  • Canto, J. G. et al. (2000). The Paradoxical Gender Differences in Mortality in Patients With Acute Myocardial Infarction. New England Journal of Medicine.

  • Safdar, B. et al. (2014). Gender Disparities in Pain Management of Emergency Department Patients With Acute Abdominal Pain. Academic Emergency Medicine.

  • Bargiela, S., Steward, R., Mandy, W. (2016). The experiences of late-diagnosed women with autism spectrum conditions: An investigation of the female autism phenotype. Journal of Autism and Developmental Disorders.

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