Inflammation et autisme : comprendre avant de vouloir corriger
- Florence

- 11 oct.
- 4 min de lecture
Ces dernières années, les réseaux sociaux regorgent de promesses autour de la “micro-inflammation” dans le TSA.Compléments, diètes anti-inflammatoires, cures miracles de curcuma ou de lion’s mane : tout semble promettre une baisse de la fatigue, de la surcharge sensorielle ou du brouillard mental, en attaquant l'inflammation elle-même.
Mais avant de s’attaquer à un symptôme supposé, il faut comprendre le fond du sujet. Oui, la micro-inflammation chronique peut exister chez certaines personnes autistes. Oui, le système immunitaire, notamment cérébral et intestinal, semble parfois plus réactif. Mais non, cela ne veut pas dire qu’il s’agit automatiquement d’un “problème” à éradiquer. C’est souvent une caractéristique du fonctionnement neuro-immunitaire autistique, pas une maladie.
1. L’inflammation, c’est quoi exactement ?
L’inflammation, c’est la réponse du système immunitaire quand il perçoit un déséquilibre : infection, blessure, stress prolongé, désordre métabolique ou même surcharge sensorielle. C’est un mécanisme de défense : son but est de restaurer l’équilibre.
Quand cette activation devient chronique ou diffuse, on parle de micro-inflammation : une activité immunitaire faible mais persistante, qui peut entretenir une fatigue, une hypersensibilité, ou des troubles du sommeil. Elle ne provoque pas de fièvre ni de douleur aiguë : elle agit en arrière-plan, comme un bruit de fond du système nerveux et immunitaire.
2. Point vocabulaire : microglies et cytokines
Pour comprendre les études sur l’autisme et les inflammations, il faut distinguer deux acteurs majeurs :
Les microglies :ce sont les cellules immunitaires du cerveau. Elles patrouillent en permanence, réparent, nettoient, surveillent. En cas de déséquilibre (infection, stress oxydatif, surcharge sensorielle), elles s’activent, changent de forme, libèrent des cytokines, et réorganisent les connexions neuronales.
Les cytokines :ces molécules servent de langage au système immunitaire.Certaines sont pro-inflammatoires (IL-6, TNF-α, IL-1β) : elles activent la défense. D’autres sont anti-inflammatoires (IL-10, IL-1Ra) : elles calment ensuite la réponse.
L’équilibre entre les deux est ce qu’on appelle le profil immunitaire.
3. Ce que montre la recherche : un léger déséquilibre immunitaire

Les grandes méta-analyses montrent des taux plus élevés de cytokines pro-inflammatoires et plus faibles de cytokines anti-inflammatoires chez les personnes autistes. Ces chiffres peuvent paraître élevés, mais ils traduisent surtout un déséquilibre modéré, pas une inflammation pathologique.
Aucune “signature immunitaire” universelle au spectre n’a été trouvée : il s’agit de moyennes, observées sur des profils très variés. Donc ces données ne s'appliquent pas automatiquement à TOUS les profils autistes, même les chercheurs insistent là dessus.
4. Micro-inflammation ou adaptation ?
Certaines études post-mortem ont confirmé la présence d’une activité microgliale augmentée dans le cerveau autistique :
11 cerveaux sur 11 présentaient une microglie activée (Vargas et al., Annals of Neurology 2005).
Dans le cortex préfrontal, la densité microgliale était supérieure de 60 à 100 % à celle des témoins (Morgan et al., Biological Psychiatry 2010).
Mais cette activité ne détruit pas le tissu neuronal : elle semble plutôt correspondre à une forme de défense accrue.On parle de cerveau plus sensible, plus réactif, pas de lésion. Autrement dit, cette micro-inflammation pourrait être une réponse adaptative du système autistique, un moyen de gérer une surcharge chronique ou un environnement perçu comme imprévisible. En l'état, il n'y a ni étude, ni accord entre les chercheurs sur les implications potentielles néfastes de ce mode de fonctionnement. Il est ibservé, mesuré,
5. Les conséquences possibles observées dans le spectre
Les études croisées (immunologie, neuroimagerie, sommeil, digestion) montrent qu’un état inflammatoire léger peut avoir des répercussions concrètes sur le quotidien, sans qu'elles soient automatiques ou transversales à tous les profils autistes :
Fatigabilité accrue après des stimulations sociales ou sensorielles (Masi 2015 ; Holingue 2023).
Concentration fluctuante et impression de “brouillard mental” quand IL-6 et TNF-α augmentent.
Sensibilité sensorielle amplifiée les jours de stress ou de surcharge.
Sommeil plus fragile et moins réparateur (Irwin 2019).
Humeur plus vulnérable, souvent interprétée à tort comme psychologique (Mayer 2015).
Ces effets sont transitoires et modulables : ils n’impliquent pas une maladie, mais un fonctionnement immunitaire plus sensible.
6. Quelques pistes pour mieux réguler sans “corriger”
Les recherches en psychoneuroimmunologie montrent que le mode de vie influence directement la réactivité immunitaire.Les pistes les plus cohérentes sont souvent simples et comportementales, pas chimiques.
Limiter les déclencheurs
Moins il y a de surcharge (bruits, odeurs, lumière, stress social), moins le système immunitaire s’active.→ Créer des zones calmes, éviter les produits parfumés, réguler les temps d’exposition sensorielle.
Soutenir le système nerveux
Routines de descente : respiration lente (5–6/min), pression profonde, balancement, chaleur douce.Ces pratiques favorisent la baisse du tonus sympathique et réduisent la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires.
Mouvement doux et régulier
L’activité modérée (marche, yoga, étirements) stimule des myokines anti-inflammatoires sans générer de stress oxydatif.
Prudence “solutions miracles”
Les anti-inflammatoires ou compléments (curcuma, oméga-3, champignons adaptogènes, etc.) ne sont pas neutres. Sans supervision médicale, ils peuvent déséquilibrer la régulation naturelle du système immunitaire. Le corps autistique n’a pas besoin d’être “normalisé” : il a besoin d’être écouté et protégé.
7. Quand consulter : inflammation pathologique
L’inflammation légère ou cyclique est fréquente et typique. Mais une inflammation chronique pathologique existe aussi, chez environ 10 à 15 % des profils (Ashwood 2011 ; Kushak 2016 ; Croen 2015).
À consulter sans délai si :
douleurs abdominales continues ou perte de poids,
sang ou mucus persistant dans les selles,
fièvre, arthralgies (douleurs articulaires), éruptions cutanées hors cycle,
troubles moteurs ou cognitifs nouveaux,
analyses montrant CRP ou VS élevées, calprotectine >200 µg/g, cytokines >2–3× la norme.
Ces situations relèvent d’un suivi médical spécifique (gastroentérologue, interniste, neurologue).Elles ne représentent qu’une minorité, mais nécessitent une évaluation rigoureuse.
En résumé
Oui, la micro-inflammation existe dans le TSA.Oui, elle traduit une réactivité immunitaire plus fine, souvent intestinale et cérébrale.
Non, ce n’est pas une maladie.Non, elle n’appelle pas toujours un traitement.
C’est souvent une adaptation biologique à un monde trop stimulant, un système de défense qui se fatigue vite, mais qui protège fort.
L’enjeu n’est donc pas de “corriger” ce fonctionnement, mais d’apprendre à l’apaiser en respectant ses limites.
📚 Principales sources
Masi et al., Molecular Psychiatry, 2015Saghazadeh & Rezaei, Prog Neuro-Psychopharmacol, 2019
Vargas et al., Annals of Neurology, 2005
Morgan et al., Biological Psychiatry, 2010Holingue et al., Autism Research, 2023
McElhanon et al., Pediatrics, 2014
Irwin et al., Nat Rev Immunol, 2019
Mayer et al., Nat Rev Gastroenterol Hepatol, 2015
Ashwood et al., Brain Behav Immun, 2011
Kushak et al., J Pediatr Gastroenterol Nutr, 2016
Croen et al., JAMA, 2015




Bonjour, jai toujours eu des soucis de santé un peu bizarre, puis crohn + spa et on vient de me diagnostiqué un tsa (en plus d'un haut QI et un "hub de vitesse). Je crois que cest avec cet article que je match le plus. Ca décrit ce que je ressens mais je ne savais pas que c'était une "réalité biologique". Cest fatiguant ! Merci. Romane.